La semaine dernière, celle du 8 octobre, je ne me suis pas senti bien : hyper-stressé, pessimiste, surmené, la poitrine traversée de douleurs piquantes, à cran. D'ailleurs je n'ai commis qu'une seule note, en milieu de semaine, juste pour rester à flot avec le calculateur de statistique et les moteurs de recherche. Je me disais " je voudrais pas crever ". Et c'est à ce moment que l'aimable blogueur Hervé Resse a sorti une Note intitulée " Spécial dédicace au Grave Grincheux ". Bien aimable. Dans l'état où je me sentais, j'ai cru un instant que je me trouvais arrivé au paradis et que j'avais la faculté de lire les hommages sur la blogosphère qui ne manquaient pas de suivre l'annonce de ma disparation. Le billet de H. Resse s'appuyait sur un article de presse où Béatrice Schönberg disait dans le titre " Je déteste me voir à la télé " (je vous laisse deviner la réplique courte et cinglante qui s'impose à tout téléspectateur de bon sens). Est-ce que j'allais regarder la nouvelle émission de la béate joconde de France 2 pour la promotion de laquelle elle s'est imposée en couverture de Paris Match et de Télé 7 Jours en deux semaines. Non, en ce moment je m'en sens pas la force. Ecouter cette journaliste cafouilleuse est une épreuve. La regarder pourrait encore passer, mais ce petit sourire niais permanent qui lui flotte aux lèvres... Je viens d'apprendre grâce à Resse qu'elle même ne s'en sent pas capable, ça me rapproche soudain de cette gourde médiatique de façon imprévue.
" Je voudrais pas crever "... Est-ce qu'il y a encore des jeunes dans ce pays qui ont entendu parler de Boris Vian. Je ne parle pas des "jeunes" ; je parle des jeunes. Je me rappelle avoir vu sur scène à Paris le comédien Claude Brosset dire le "Je voudrais pas crever" de Vian. Déchirant. Claude Brosset est mort en juillet 2007, Boris Vian en juin 1959. Moi même je ne me sens pas très bien. Il y a des passages de ce texte qui méritent vraiment la visite. Naturellement, vous pensez que j'aime bien quand il dit
(je voudrais pas crever) Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Vous avez raison, mais pas seulement. Quoique par les temps qui courent, les coinstots bizarres, avec le sida, vaut mieux éviter. Notez que Boris Vian orthographie "zobe" avec un e : c'est pour aller avec "robe" qui est trois lignes plus haut. Ce n'est pas comme "bite", qui de nos jours s'écrit avec un seul t, alors que le mot d'origine est "bitte" (d'amarrage). Une réduction de bitte en quelque sorte, comme quand l'homme est plongé dans l'eau... comment interpréter cette évolution langagière ?
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
La journée de deux heures : on y tend, Madame Aubry a lancé le mouvement
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les journaux en couleur : c'est fait depuis longtemps, Boris, mais ça n'a rien changé à la qualité du contenu. Je me rappelle que Le Télégramme de Brest fut l'un des premiers quotidiens français à le faire, ou le premier ? Brest a toujours été à la pointe.
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un côté pointu : après ta mort, les hommes sont allés en personne regarder l'autre face de la lune. Et ça n'a absolument rien changé à leur vie, à ma connaissance.
Mais Boris Vian ne dit rien sur Internet, les 99 chaînes de télé en couleur par satellite, le portable Nokia multibande N95, le blackberry, les iPod bourrés de MP3, le four à micro ondes, les SMS payants pour faire voter les cons sur TF1... Quand Boris Vian était un petit garçon, on s'imaginait qu'en l'an deux mille (c'était l'expression consacrée) un tas de choses époustouflantes seraient devenues possibles, mais on partait la plupart du temps du réel existant, pour extrapoler, et on se trompait dans les grandes largeurs. Par exemple pour l'automobile : elles étaient vouées à voler, en l'an deux mille, au train où roulait le progrès. Résultat : loin de voler, les automobiles se traînent en surface, elles passent leur temps à faire du surplace, tant et si bien que le progrès désormais consiste à les équiper d'un dispositif coupant le moteur dès qu'elles sont à l'arrêt : la position arrêt cloué au sol est devenue une bonne partie du temps de trajet. Tu l'eus cru, Boris ? Et pendant ses arrêts, sur l'autoroute A13 au niveau du Triangle de Rocquencourt, l'automobiliste de l'an deux mille et des poussières a tout le temps de vérifier sur un petit écran en couleur le lieu exact en longitude et latitude où son auto se trouve en ce moment sur la Terre. Ou bien elle termine son maquillage.
Plus près de nous, il est difficile de citer qui avait prévu, disons en 1990, ne remontons pas plus loin, l'explosion et les conséquences d'Internet et de la téléphonie mobile. Au milieu des années quatre-vingt, on m'a projeté un court métrage professionnel venu des Etats-Unis montrant ce qui allait immanquablement arriver à court terme : la maison intelligente. Vingt ans plus tard, on l'appelle encore "la maison du futur".
Pour lire, re-lire "Je voudrais pas crever" de Boris Vian, cliquons ci-dessous sur SUITE >>>
Ou pour écouter, dit par Pierre Brasseur :
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un côté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...
Euh oui moi je connais! La java des bombes atomiques, ce genre de trucs... j'ai même l'écume des jours en poche quelque part dans ma bibliothèque... mais jamais eu le temps de le lire.
Rédigé par : porcoleader | 14 octobre 2007 à 05:11
Plus sublime que le poeme lui meme, il y a son interprétation par Pierre Brasseur. Tu la connais sans doute. Si tu ne la connais pas fais moi signe, Je tiens ça en mp3, à ta disposition.
Rédigé par : Mossieur Resse | 14 octobre 2007 à 17:10
Mais ce blog est horrible... enfin la personne qui le tiens! Et en plus ca n'a pas honte de dire " deuxièmement "il y'avait sarko sur TF1"... alors là faut pas louper ça!! que dieu bénisse ton âme d'innocent petit soldat de TF1. C'est malheureux de voir de tels gens en France.
Rédigé par : Baptiste | 10 janvier 2008 à 19:02
Ah, un nostalgique du bon vieux temps d'avant !
Et oui, les jeunes connaissent, mais ils connaissent aussi d'autres choses qui les interessent autant.
Y a beaucoup de vieux en france ! Les années -ci, les années-là, c'était.. on faisait...y s'était....
ça me gave un peu à la longue, bien que je ne fus pas si jeune !
Ah, j'voudrais vieillir jeune !
Rédigé par : clo | 11 mars 2008 à 14:28
La très casher madame schoneberg s'est faite un lifting monstrueux qui apparait en peleine lumière quand la caméra la prend sur le côté ! cela est arrivé une fois suite au cafouillage dû à l'entrée d'une autre journaliste expliquant les raisons et conditions d'un évènement brutal juste avant le 20 heures. l'autre évènement fut l'horreur de ce lifting qui m'a sauté aux yeux comme du poivre, je n'ai plus de télé depuis !
Rédigé par : Emma | 17 février 2009 à 12:47
du très bon ici comme du très mauvais!
Rédigé par : istern | 27 novembre 2011 à 19:53
Papy, ravale tes préjugés, les jeunes aussi connaissent et apprécient Vian. Et je suis très vraisemblablement mieux placé que toi pour en parler.
Rédigé par : Le ven-jeune masqué | 29 avril 2013 à 20:38