Quand Yvette Horner sort un nouvel album, ça me rend plus joyeux que quand c'est Yannick Noah ou Véronique Sanson. Ou même quand c'est l'ambassadrice de la vraie et bonne chanson française, Anggun, qui parvient, comme hier soir, à hisser notre grand pays à la 22e place du Concours Eurovision, sur 26 participants. Pour l'Eurovision, le changement c'est pas pour tout de suite. "C'était particulier, car je ne chantais pas pour moi mais au nom de la France, c'était une lourde responsabilité," a déclaré Anggun. Alors, la prochaine fois qu'on envoie une chanteuse et une chanson (en anglais) se présenter "au nom de la France", j'aimerais avoir mon mot à dire avant. On attend des mesures correctives de la part de la ministre de la culture Aurélie Fillipetti, nous verrons si elle est aussi forte en actes que forte en gueule.
Yvette Horner par exemple aurait pu aller à l'Eurovison à la place d'Anggun. Voir arriver sur scène une femme de 90 ans aux cheveux rouges portant un accordéon de 12 kg aurait à coup sûr attendri tous les votants. Nous aurions pu démontrer à plus de 100 millions de personnes gavées de musique pop insipide, de chorégraphies acrobatiques et d'injures rappeuses comment une femme assise née en 1922 peut faire vibrer les foules sur un air de musette, et comment notre alimentation traditionnelle à l'huile d'olive, au foie gras et au vin rouge permet d'obtenir des vieillards alertes et gais comme des pinsons. Le lendemain, les chiffres d'exportation de notre industrie agro-alimentaire se seraient mis à grimper en flêche. Ce n'est pas en exhibant Anggun qu'on peut inverser la tendance dans notre déficit commercial.
Cette semaine est sorti un nouvel album d'Yvette Horner, Hors Norme, album guidé par les collaborations : on y entend l'accordéon de Marcel Azzola, celui de Richard Galliano, le violon de Didier Lockwood, le piano de Matthieu Gonet, les guitares de Los Chicos et la voix de Lio. Marcel Amont et Jean Lassalle (le député ami de Bayrou gréviste de la faim) chanter les Pyrénées. Julien Doré a rédigé une lettre pour le livret de l'album dont la pochette a été dessinée par Jean-Paul Gaultier. Pas mal !
Yvette Horner est née en 1922 à Tarbes, elle aura 90 ans en septembre. Elle joue de l'accordéon depuis 70 ans. Après avoir remporté la Coupe du monde de l'accordéon en 1948, elle obtient le Grand Prix du disque de l’Académie Charles-Cros en 1950. Elle établit sa popularité en accompagnant la caravane du Tour de France à douze reprises. En 1952, Calor, qui sponsorise le Tour de France, lui propose d'accompagner la course. Elle joue sur un podium, à l'arrivée de chaque étape. Coiffée d'un sombrero et juchée sur le toit d'une Citroën Traction Avant aux couleurs de la marque Suze, elle réitère les années suivantes, accompagnant au total douze Tours de France (de 1952 à 1963).
En 2005, Madame Yvette vend sa maison de Nogent-sur-Marne, où elle a vécu durant une cinquantaine d'années. Elle met aux enchères à l'hôtel Drouot des objets personnels, dont sa collection de robes Jean Paul Gaultier. La vente se tient au profit de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) et d'une association de lutte contre le cancer. La même année paraît son autobiographie, intitulée Le Biscuit dans la poche. Depuis la vente de sa maison de Nogent, Yvette vit dans une résidence pour personnes âgées à Paris.
Certains ont voulu faire taire le piano à bretelles d'Yvette Horner, ils n'y sont jamais parvenus. En 1966 déjà, le chanteur hippie Antoine le souhaitait dans ses Elucubrations. C'est lui qui a abandonné la partie.
Oh, Yeah !
L'autre jour, j'écoute la radio en me réveillant,
C'était Yvette Horner qui jouait de l'accordéon,
Ton accordéon me fatigue Yvette,
Si tu jouais plutôt de la clarinette.
Oh, Yeeeeaaaahhhh !
(Antoine, Les élucubrations, 1966)
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