"Nul besoin d'être grand clerc pour percevoir qu'aujourd'hui le pays se trouve, à nouveau, au bord de grandes secousses. D'innombrables frustrations, des peurs diverses, des colères multiples et contradictoires, des réformes manquées, des besoins non satisfaits, des frustrations se font partout sentir. Les Français remâchent leur mécontentement. Pour l'instant, chacun dans son coin, chacun à sa manière. Les uns n'en pouvant plus de n'avoir ni emploi valorisant ni logement décent, voire ni logement ni emploi. Les autres, furieux, de risquer de perdre petits ou grands privilèges. Beaucoup s'estiment victimes de la mondialisation et certains sont désormais prêts à se battre, jugeant qu'ils n'ont plus rien à perdre. Tous sont angoissés à l'idée de n'avoir peut-être plus, un jour, les moyens de financer leur santé, leur retraite, leur logement, leur nourriture ou la scolarité de leurs enfants." [...]
"Parmi ceux qui ont le plus de raisons d'être déçus et en colère, il y a les jeunes : ils commencent à comprendre qu'ils auront à payer la triple dette que leur laisse la génération triomphante des baby-boomers: la dette publique qu'il faudra rembourser; leurs retraites qu'il faudra financer; et le dérèglement climatique qu'il faudra supporter. Quand ils prendront vraiment conscience que les hommes politiques de tous les partis ont servi, et servent encore, avant tout, les intérêts de ces générations bénies des cieux, quand ils réaliseront que les syndicats servent d'abord les intérêts de ceux qui ont un emploi, les jeunes ne se contenteront pas d'un vote de protestation: ils quitteront le pays ou descendront dans la rue. La révolution commencera." [...]
"A en juger par ce qui se fait sans se dire, dans l'ambiance délétère du moment, la perte de confiance du pays en lui-même peut conduire, dans les mois qui viennent, les entreprises localisées en France à interrompre tous les recrutements qu'elles peuvent retarder, puis à licencier pour de bon. Le nombre de 6 millions de chômeurs effectifs risque de devenir à terme rapproché une perspective crédible. Même si on tentera sans doute de manipuler les statistiques à coups d'emplois publics." [...]
"La situation serait alors particulièrement explosive: parce que le chômage de longue durée ne touchera plus seulement les ouvriers et les plus faibles, mais aussi bien les cadres et les jeunes diplômés, enfants de cadres. Or, rien n'est pire que la frustration des diplômés à qui on n'offrirait même plus la perspective du salariat, que les meilleurs d'entre eux considèrent déjà comme un pis-aller. Cela rendra d'autant plus évidents les privilèges qui protègent les enfants des classes favorisées, et privera les jeunes des quartiers de toute perspective de promotion sociale. Des centaines de milliers d'entre eux ne disposeront bientôt plus d'aucun revenu. Plus encore qu'aujourd'hui, le désespoir conduira d'innombrables salariés à des démonstrations de force devant les sièges sociaux, à des suicides au sein des entreprises, à placer des bombes dans les ateliers. Des manifestations majeures seront organisées ; la classe politique perdra toute légitimité et la révolution pourra s'amorcer." [...]
"La détérioration de la situation des pays périphériques risque de conduire la Banque centrale européenne à s'inquiéter de l'emploi déjà considérable (2 700 milliards d'euros) de ses ressources propres, qu'elle doit garantir sur son bilan trois fois inférieur. Des voix venues d'Allemagne viendront expliquer que c'est contraire à l'esprit et à la lettre des traités et que les banquiers centraux risquent la prison. La Cour suprême allemande émettra de plus en plus de doutes sur le caractère licite de l'ensemble de l'action de la Banque centrale." [...]
"Dans l'état d'extrême tension du pays, tout nouveau scandale majeur mettant en cause l'un ou l'autre des camps politiques, ou dévoilant des fortunes masquées à l'étranger par des puissants, déclenchera une vague de colère aux conséquences imprévisibles, selon le précédent de l'affaire du collier de la reine en 1785. Le pays a pratiquement épuisé ses capacités d'indulgence et est même prêt à condamner sans preuve." [...]
"Pour lui, désormais, non seulement il n'y a "pas de fumée sans feu", mais encore "toute fumée est en elle-même un feu". Toute rumeur est un scandale, indépendamment de toute vérité. On verra alors des partis de gouvernement perdre leurs principaux dirigeants. Les candidats présumés à l'élection présidentielle suivante pourraient même être touchés, au grand bénéfice des extrêmes. Face au vide politique ainsi créé, la révolution pourra commencer." [...]
"Si la gauche au pouvoir dérive vers l'échec, si une droite discréditée par son propre échec persiste à critiquer le pouvoir sans reconnaître ses responsabilités, les partis extrémistes de droite et de gauche seront de plus en plus écoutés et l'emporteront dès les prochains scrutins." [...]
"Le président sera tenu pour responsable de cette débâcle. On lui reprochera d'être tantôt trop à gauche, tantôt trop à droite. La gauche du Parti socialiste ne le soutiendra plus et lui fera perdre sa majorité au Parlement. Il lui sera quasiment impossible de gouverner. Viendra alors, pour lui, la tentation de dissoudre l'Assemblée, ce qui pourrait faire son affaire si la droite, revenue au gouvernement, ne réussissait pas mieux que la gauche au pouvoir, et pas mieux que ce qu'elle-même avait fait dans les dix années précédentes. S'ouvrira alors une crise de régime qui touchera toutes les élites, notamment tous les acteurs de l'action publique." [...]
Il valait mieux ne pas annoncer l'auteur des lignes qui précèdent, car il est souvent l'objet d'un rejet immédiat et décrié avant d'être écouté. Si vous n'avez pas deviné qui il est, cliquez sur le volet de lecture ci-après -->