Cette année, en Provence, je me suis laissé tenter chez Leclerc par un pastis que je n'avais encore jamais rencontré. Mon bras velu se tendait vers un flacon d'Henri Bardouin, le pastis de Forcalquier qui me fait passer des étés plus paisibles, mais juste à côté se dressait fièrement la bouteille élancée de la tentation qui me susurrait "prends-moi, beau blond... Je suis une fille d'Aubagne, toi qui aimes Pagnol serre-moi entre tes mains expertes, lis mon étiquette, capte bien ses mots-clés concoctés par un gourou du marketing... Pastis de Provence... tradition... authenticité...lente macération... plantes et réglisse... lou garagaï... depuis 1928 !". J'étais interloqué : ce "produit de France" existe depuis 1928 et il a pu toutes ces années échapper à ma vigilance ? J'imagine que le coquin d'Alfred Maunier (nom-marque de ce pastis) en gardait jalousement le secret de fabrication et le réservait jusqu'à récemment à la consommation familiale, puis s'est laissé convaincre par son petit-fils sorti d'HEC d'en faire bénéficier le grand public de la mondialisation. Une saga familiale émouvante que nous verrons bientôt narrée sur M6 dans Capital.
Fut un temps, je m'étais mis à collectionner les contre-étiquettes de vins, saisi par leur profondeur poétique. Je parle de vins plutôt ordinaires, genre "Filles de France". le gros rouge des hommes qui bougent, ou Vin des Rochers, "le velours de l'estomac" ou Kiravi, "séduisant vin de France" (slogans authentiques, on osait tout en ce temps-là). Quand j'étais petit, nous avions un couple de voisins sans enfants. Pour se consoler et mettre un peu d'ambiance dans leur logement sur-dimensionné, ils s'étaient mis à picoler. Nous observions le livreur leur déposer à cadence industrielle des casiers de Vin des Rochers, le velours de l'estomac. A force de se tapisser l'estomac de velours, ils ont attrapé chacun une cirrhose et en sont décédés à quelques mois d'intervalle. C'est beau, un couple fusionnel.
La contre-étiquette est celle qui apparaît "au dos" de la bouteille, si tant est qu'une forme cylindrique ait un dos. Il y a l'étiquette principale, celle qui ici proclame "Alfred Maunier, Pastis de Provence", et sur la face opposée, il y a la contre-étiquette, celle qui la plupart du temps nous fait le baratin, nous raconte une histoire de vignerons amoureux de la vigne de père en fils depuis le grand phylloxera du XIXe siècle, adeptes de techniques ancestrales de vins gorgés de sulfites élaborés avec amour et autres billevesées de ce genre.
Je vous lis la contre-étiquette du pastis Alfred Maunier... amis de la poésie, dégustez, ce sont des plantes, ça ne peut pas vous faire de mal :
"Pastis de Provence -- Au cœur de la Provence, les rochers se dressent comme un défi au soleil et au vent. C'est dans ce décor sauvage aux senteurs enivrantes que Lou Garagaï est élaboré. Héritier d'une longue tradition d'authenticité, établie par Alfred Maunier au début des années vingt, Lou Garagaï est soigneusement préparé par des hommes qui travaillent à la distillerie depuis des générations. Ils veillent à la lente macération des plantes et de la réglisse qui donnera à Lou Garagaï la richesse de son goût et la subtilité de ses arômes."
Et l'URL du site web vous dévoile un pan de la vérité : www.distillerie-janot.com. La distillerie Janot existe effectivement à Aubagne depuis 1928. Je n'aurais pas acheté une bouteille de Janot, mais une bouteille d'Alfred Maunier, si. Sacré Albert, tu m'as bien eu ! Je suis persuadé que le département propagande de Janot vous fournira la biographie complète, et comme son pastaga "authentique", du sieur Alfred Maunier, un enfant du pays qui a sans doute joué étant petit dans les collines environnantes avec Marcel Pagnol minot, puis à l'âge adulte a chassé avec lui la bartavelle. La distillerie se visite uniquement sur réservation à partir de 10 personnes au 04 42 82 29 57, où votre contact est Sandrine Lucchesi. Demandez à Sandrine la fiche du CV authentique (et pour tout dire "bio") de ce sacré Alfred Maunier. Si Sandrine ne possède pas ce précieux document, qu'elle m'écrive, je peux le produire avec un contenu tout aussi vraisemblable que les bios, côté bière, de ce sacripant de George killian, ou de son collègue Gerard Heineken, ou, catégorie whisky, de ce vieux Johnnie Walker.
Et la quantité invraisemblable des vins préféré d'Henri IV, il est étonnant que ce roi ne soit pas mort d'une cirrhose des familles. Il peut remercier Ravaillac.
Mais le mieux est le bordeaux nommé " La pissotière de l'impératrice", appelé de ce beau nom par un besoin pressant que Joséphine satisfit en 1809 dans cette parcelle, ce qui après recherche me paraît plus que douteux.
http://lapissotieredelimperatrice.com/page.php?page=5
Rédigé par : Le Nain | 14 août 2013 à 17:33
Encore une fois, combien faut-il le répéter, il n'y a qu' un véritable pastis: le CASANIS !
Si son goût anisé est trop fort pour vos palais délicats, essayez le 51. Et basta.
Rédigé par : lenonce | 14 août 2013 à 17:33
Casanis, le pastis de Marseille corse. C'est vrai que c'est le meilleur. Si on vous propose de goûter le 51 rosé, refusez poliment mais fermement !
DROIT de REPONSE GG
Lenonce et Jeanne ont raison, chaque été je batifole avec un pastis de rencontre, puis je reviens à mon Casa de base. Et pourquoi le 51 ? PCQ crėė en 1951. Ah, au fait, pour Marseille et la Corse, savez-vous si Valls à enfin ėradiqué les meurtres "inacceptables" qui s'y déroulaient du temps de Sarkozy ?
Rédigé par : Jeanne | 14 août 2013 à 19:34
Si avec ça, tu ne reçois pas (au moins) une caisse gratuite ....
Rédigé par : VeCh | 15 août 2013 à 08:04
Fan de S.G., je ne bois que "102"...c'est le meilleur!
Rédigé par : Ditch | 15 août 2013 à 17:14