ACTUALITÉ :
Scandale Orpea : le directeur du groupe d’Ehpad convoqué par Véran et Bourguignon
La ministre chargée de l’Autonomie Brigitte Bourguignon a officialisé l’entrevue, alors que Orpea, le groupe gérant des Ehpad, est accusé de maltraitances sur ses résidents. L’entretien doit permettre de « faire toute la lumière sur les pratiques et dysfonctionnements dénoncés » par le journaliste Victor Castanet, dans son livre-enquête « Les Fossoyeurs ».
Une bonne partie du dernier roman de MICHEL HOUELLEBECQ, intitulé « anéantir », paru début janvier 2022, est liée à un EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) dans lequel le père du personnage central, Paul, est "hospitalisé". HOUELLEBECQ passe pour un auteur qui prend grand soin de se documenter avant d'écrire. J'ai repéré plusieurs passages où il est question des EHPAD.
Alors qu'éclate cette semaine un gros scandale sur certains EHPAD, et que le président sortant vient apparemment de passer la totalité de son quinquennat dans l'ignorance complète de cette situation, ou que (pire) il savait mais a décidé de ne pas intervenir pendant cinq ans, si ce président est à nouveau candidat en avril, et si vous ignorez pour qui voter, au moins vous savez maintenant pour qui ne pas voter !
Les parties du roman retenues ci-après ont un autre intérêt que celui d'évoquer les EHPAD : celui de montrer le style si particulier de HOUELLEBECQ (digressions, langage cru), je pense à l'extrait situé PAGE 189...
AUTRE CHOSE : le roman « anéantir" se situe en 2027, soit dans un quinquennat. Or, une autre réputation prêtée à cet auteur est celle d'un visionnaire... comment se pourrait-il que dans cinq ans le président de la République de 2022 à 2027 n'aurait pas rectifié la situation catastrophique dans les EHPAD ? Deux explications : 1- Vous allez ré-élire Macron ; 2- Houellebecq visionnaire se sera planté sur ce coup-ci.
EXTRAITS :
PAGE 189
La médecin-chef eut un geste de satisfaction, mais en même temps elle n'avait pas terminé son exposé, et elle aimait terminer ses exposés. « C'est une petite unité, d'une quarantaine de lits, créée à la suite de la circulaire Kouchner du 3 mai 2002… » commença-t-elle avec douceur, et là personne ne pouvait se rendre compte mais cette circulaire avait été la dernière signée par Bernard Kouchner, juste avant qu'il ne doive quitter ses fonctions en raison de l'élection présidentielle dont le second tout avait lieu le surlendemain, le 5 mai, et pour elle c'était bouleversant parce qu'elle avait été amoureuse de Bernard Kouchner pendant toute son adolescence, amoureuse grave, et que cela avait pesé lourd dans sa décision d'entreprendre des études de médecine, elle avait même le demi-souvenir un peu honteux de s'être, le soir de son inscription à la fac de médecine, masturbée devant une affiche de Bernard Kouchner en meeting qui décorait sa chambre, ce n'était pourtant qu'un meeting de parti socialiste, il n'avait même pas de sac de riz. « Comme beaucoup d'unités EVC-EPR, elle est adossée à un EHPAD », poursuivit-elle alors qu'elle se remettait difficilement, qu'elle sentait quelque chose de trouble et d'humide envahir son entrejambe, l'évocation de Bernard Kouchner elle avait vraiment intérêt à éviter. Au bout de trente secondes de respiration coordonnée, elle se reprit. « Oui, je sais, dit-elle en se retournant vers Cécile, les EHPAD ont une mauvaise réputation, et c'est loin d'être injustifié, il est vrai que dans l'ensemble ce sont des mouroirs ignobles, je ne devrais peut-être pas dire ça mais à mon avis les EHPAD sont l'une des plus grandes hontes du système médical français… » (…)
[EXPLICATION pour ce qui suit : MARYSE est une aide-soignante africaine travaillant dans l'EHPAD où est transféré le père du personnage principal du livre : Paul. D'où vient Maryse ? « Le Bénin c'est ce que les Français appelaient le Dahomey, quand ils possédaient le pays. »]
PAGE 442
Cécile se tut ; depuis un peu plus d'une heure elle avait réussi à oublier le sujet de Maryse, elle avait passé presque toutes les nuits à la maison cette semaine, ça n'allait pas bien du tout, l'EHPAD c'était encore pire que ce qu'elle avait imaginé. Les résidents qui n'étaient pas en état de se lever avaient presque tous des escarres épouvantables. Elle avait dix minutes pour faire leur toilette, c'était très insuffisant, et il y en avait beaucoup qui ne pouvaient plus aller aux toilettes eux-mêmes, on l'appelait tout le temps sur son portable, sans compter les malades qui criaient, de leurs chambres, qu'on vienne s'occuper d'eux, parfois quand elle revenait le petit vieux n'avait pas pu se retenir, il avait chié sur lui et sur le sol, elle devait nettoyer tout ça, la merde et les draps souillés c'était désagréable, mais le pire de tout, c'était leur regard implorant quand elle arrivait dans les chambres, et leur manière de lui dire : « Vous êtes gentille, mademoiselle. » Chez elle, en Afrique, des choses comme ça ne se seraient pas produites, si c'était ça le progrès ça ne valait pas la peine.
PAGE 475
Elle [Maryse] raccrocha à regret ; Aurélien lui manquait douloureusement, dans l'état de perplexité qui était le sien. Ils vivaient dans des enfers parallèles et se rejoignaient chaque fin de semaine dans un monde à eux, un mini-monde qui n'avait pas d'existence réelle, parce qu'il n'avait jusqu'à présent aucune viabilité économique. Elle était toujours indignée par les conditions de travail à l'EHPAD, indignée et stupéfaite que de telles choses puissent exister en France, que des vieillards puissent, au soir de leur vie, être soumis à de telles humiliations.