C'est à des exemples comme celui-ci que je réalise à quel point j'ai l'esprit tordu. Je n'en souffre guère, je me sens simplement un peu seul. Existe-t-il une association, une "communauté" à laquelle me rattacher ?
Voici la chose :
Chaque fois (et c'est souvent) que j'entends dire que baisser la vitesse de 90 à 80 km/h va "automatiquement" faire baisser le nombre de tués, je pense irrésistiblement aux discours de ceux qui, en 1999-2000, nous affirmaient que ("c'est arithmétique") réduire le temps de travail hebdomadaire de 39 à 35 heures ouvrirait des emplois par centaines de milliers.
Près de vingt ans plus tard, je reste stupéfait que ce raisonnement imparable
1- n'ait pas été prolongé (en toute logique) par une baisse de 35h à 31h.
2- n'ait pas été imité par un seul des 196 autres pays dans le monde.
Je compte sur Édouard Philippe (ou ses successeurs) pour tester les effets du 80 km/h puis immédiatement passer à 70 km/h pour encore moins de victimes. Etc.
Quand j'ai étalé cette élucubration devant mon ami Georges, qui un être à la fois un être exquis et un scientifique, Georges m'a fait remarquer que passer de 90 à 80 km/h va bel et bien réduire l’énergie cinétique maximum des véhicules (½ m x v ^ 2 soit pour un passage de 90 à 80 environ 20%). Donc (m'a asséné Georges) les accidents engendreront des chocs plus faibles (et dans le cas d’un choc frontal ce sera encore plus réduit... du coup la déduction statistique d’une réduction de la mortalité est logique (celle-ci étant dans plus de la moitié des accidents une cause première)... sauf que les véhicules sont de plus en plus robustes et la vieille formule -1% de vitesse = -2% d’accidents graves voire mortels a du plomb dans l’aile et le gain va être plus faible que prévu !
Et Georges semblait tellement à son affaire qu'il a poursuivi en ces termes :
En revanche, l’effet d’un état dégradé d’une route sera plus faible et l’usure desdites routes aussi... soit un gain considérable pour les collectivités (aujourd’hui 14 milliards annuels dont plus de la moitié pour ces 400 000 km de routes sans séparation qui s’useront moins -durée de vie passant de 40 à 50 ans- et coûteront moins cher -
J'ai été content, à la fin, que Georges admette un brin d'incompétence : Je n'ai pas encore trouvé une formule exacte pour calculer cela, a-t-il admis, mais, au doigt mouillé, on peut compter sur un bon 20% soit pas loin d’1,5 milliard annuel de dépense pour les collectivités en charge de ces routes...
FIN de la saillie de ce sacré Georges. Sa formule ½ m x v ^ 2 m'était restée en travers de la... gorge, aussi ai-je tenté de ramener un peu l'affaire à mon avantage, lui envoyant ceci en pleine poire :
Hé, hé ! je suis heureux d'apprendre qu'une partie de mon raisonnement farfelu tient toujours face à ta science (écoutez le ton sarcastique) : baisser la vitesse ensuite à 70 km/h n'aura que des effets bénéfiques : mortalité + budget collectivités + baisse du pétrole importé (balance commerciale) + réduction pollution + économies du consommateur (et j'en oublie probablement... comme nuisances sonores réduites, etc.). Par conséquent (là je pensais frapper un grand coup), si M. Edouard Philippe est déterminé, comme il le dit, à épargner des vies, IL DOIT baisser à 70 km/h sans même attendre les résultats de l'expérience à 80 km/h. Je demande même si à 60 km/h...
PATATRAS : Eh bien non, que nenni ! C'est parfois fatigant de discuter avec un matheux, et je me demande si je n'aurais pas dû me cantonner dans ma zone de confort, qui est la gaudriole et le commentaire goguenard de la vie politique et sociétale. Car voici la conclusion de Georges, et elle est brillante, pour autant que je sois apte à en juger :
En fait, a répliqué Georges, ce que tu proposes n'est que partiellement vrai : l’effet de la réduction de vitesse s’amenuise avec celle-ci... sauf à atteindre la vitesse zéro qui réduirait à une quantité marginale les morts (ne resteraient que ceux qui se feraient sauter le caisson pour cause d’immobilisme) tandis que pour l’entretien des routes, il y aurait une « usure rémanente » du fait de l’impact de la nature.
En revanche, un effet pervers de la réduction des coûts d’entretien sera un certain chômage et une baisse marginale de PIB (en gros, en abaissant de 90 à 80, ça ferait un peu moins de 1/1000 et quelques dizaines de milliers de pertes d’emploi directes plus tout un tas d’indirectes liées à l’entretien des véhicules, etc.)
De toute façon, j'ai assez largement démontré dans ce blog depuis mai 2005 que mes écrits n'ont aucune influence sur les décisions des gouvernements, je m'incline donc de manière républicaine devant la décision du Premier Ministre, Édouard Philippe. La vitesse tombera de 90 à 80 km/h cette année et pi c'est tout !
POST-SCRIPTUM -- extraits d'un article paru dans LE FIGARO :
Une chose est certaine, la mesure du passage à 80 km/h n'aura rien coûté, hormis le changement des panneaux. Elle pourrait même rapporter gros. Se fondant sur l'expérimentation menée sur quelques tronçons de routes à deux voies depuis deux ans, le magazine Auto Plus a relevé que les radars y ont flashé quatre fois plus. Rapporté à la totalité du réseau, cela pourrait rapporter 335 millions d'euros.Un problème de fond, plus grave, subsiste. Lorsqu'on superpose la carte des «points noirs», autrement dit des endroits où les accidents se produisent le plus souvent, avec celle de l'implantation des radars automatiques, on découvre que la moitié n'est pas installée au bon endroit. Et, comme par hasard, ce sont ces radars qui flashent le plus. Qui a dit que pour qu'une loi soit respectée, il fallait qu'elle soit respectable ?
L'argument avancé par le gouvernement pour justifier la baisse de la limitation de vitesse, est qu'il espère ainsi sauver 300 à 400 vies. Il s'appuie pour cela sur la simpliste théorie de Goran Nilsson (un universitaire suédois du siècle dernier), utilisant les lois de la cinétique pour établir une relation mathématique entre accidents et vitesse. La Palice n'aurait pas trouvé mieux.
Si l'on en croit cette formule mathématique datant de 1981, l'objectif du gouvernement de réduire à 2000 le nombre de tués sur la route, ne sera jamais atteint en réduisant la vitesse sur route à 80 km/h. Pour le tenir, il faudrait imposer les 50 km/h, avec comme second avantage, une clarification de la situation: 50 km/h en ville et sur route.
Quel conducteur n'a jamais été confronté à la difficulté de connaître la vitesse à respecter, tant les changements sont fréquents sur certains tronçons et pas forcément cohérents. Restons sérieux, la vitesse, en-soi, n'est pas dangereuse.
Pour preuve, les statistiques de la Sécurité Routière démontrent que c'est sur autoroute, où l'on circule à 130 km/h, que les automobilistes sont le plus en sécurité. En 2016, on y a recensé 169 accidents mortels (4,9 %), la première cause d'accident étant la somnolence. Loin de nous l'idée de nier que la vitesse est un facteur aggravant. En revanche, se focaliser sur la vitesse a ses limites. La dégradation des chiffres d'accidentalité en atteste.
Quand le gouvernement prétend que les radars automatiques sont les seuls responsables de la baisse notable des accidents relevée ces trente dernières années, il omet juste de mentionner que, dans le même temps, la sécurité active (aides à la conduite) et passive (résistance aux chocs) des automobiles a considérablement progressé.
Nous n'irons pas jusqu'à plagier Nilsson et prétendre que, si la voiture n'avait pas évolué, il y aurait deux fois plus de morts, mais passer ce progrès sous silence frise la malhonnêteté. Comme l'évolution est progressive, elle est certes difficile à quantifier, mais une déclaration de Volvo, chantre de la sécurité passive, aurait pourtant dû mettre la puce à l'oreille de nos experts en sécurité routière. La marque suédoise a en effet annoncé, il y a déjà trois ans, qu'il n'y aura plus aucun mort ni blessé grave dans ses voitures à partir de 2020. Y compris en roulant à 90 km/h, et même 130 km/h! Tous les constructeurs travaillent en ce sens, avec les encouragements et sous la surveillance de l'organisme Euro NCAP.
Si l'excès de vitesse est traqué au km/h près, le téléphone et l'alcool au volant sont des fléaux qui ne sont pas traités avec autant de moyens. Lors du récent Comité interministériel de sécurité routière, le discours du Premier Ministre Edouard Philippe a pourtant débuté en relatant un tragique accident, provoqué par un chauffeur ivre, dans lequel un enfant de 7 ans a perdu la vie et sa mère a été grièvement blessée.
Une solution existe: respecter le Code de la route. Si les automobilistes sont nombreux à forcer les passages piétons, ces derniers ne prennent même plus la peine d'utiliser un passage protégé et encore moins d'attendre que leur feu soit vert pour traverser.
Même constat pour les cyclistes, au prétexte que ce moyen de transport est écologique et bon pour la santé, on tolère un mépris total des règles. Dans les grandes agglomérations, le cycliste est le roi, sur la voie de circulation mais aussi sur les trottoirs, qu'il n'hésite plus à emprunter.