L'annonce que le dispositif Sentinelle allait être déployé aujourd'hui samedi 23 mars pour l'Acte XIX du mouvement dit des" Gilets Jaunes", en renfort des forces de police et de gendarmerie, a fait couler énormément d'encre et de salive tout au long de la semaine. "L'Armée face à la nation", hou là-là, on n'a vu cela se produire qu'en de rares occasions : 1962 (rue d'Isly à Alger) - 1891 - 1870 - 1848 - 1793...
Il a été question de "guerre civile", de "faute grave", de "tentation totalitaire", "dérive autoritaire"... certains se sont demandé si Macron n'était pas en train de se transformer en Ceausescu, "le génie des Carpates", et destiné à finir comme lui, fusillé après un simili-procès bâclé.
Et puis soudain, vendredi 22, veille de l'Acte XIX, tout semble devenir simple et limpide : les porte-parole macronistes se répandent sur les plateaux radio-télé pour expliquer que tout cela est affabulation délirante et qu'il fallait comprendre que, tout bonnement, les militaires de Sentinelle seront comme d'habitude ("business as usual") postés en mode statique autour de bâtiments sensibles avec pour mission exclusive ("comme d'hab', est-il martelé) la lutte anti-terroriste et interdiction absolue de tirer sur un manifestant.
PREMIÈRE INTERROGATION : comment les soldats de Sentinelle ont-ils été formés pour savoir distinguer en un rapide coup d’œil un citoyen lambda qui manifeste contre les taxes pétrolières et pour un salaire décent, d'un islamiste déterminé à tuer ? Au port de la barbe ? Même pas : le Gilet Jaune Jérôme Rodrigues (éborgné par les forces de l'ordre de Castaner-Rantanplan) est un barbu !
DEUXIÈME INTERROGATION : la députée Claire O'Petit appartient à LaREM, il faut donc écouter ce qu'elle dit. Or cette macroniste a dit cette semaine sur BFMTV que les militaires mis en face de manifestants feront les trois sommations d'usage (comprendre : avant de tirer) : "reculez-vous", "n'avancez pas", "nous allons passer à l'attaque", a-t-elle imaginé. Pourquoi lancer des sommations si la consigne absolue est de ne tirer en aucun cas ? On joue à guignol, ou quoi ?
TROISIÈME INTERROGATION : la ministre des Armées, Florence Parly, a déclaré vendredi 22.03 sur RTL "Il n'est pas question, il n'est même pas envisageable, que des militaires des armées françaises puissent ouvrir le feu sur des manifestants"... et "Les soldats de Sentinelle ne seront pas aux endroits où il y aura des manifestants." Pourquoi a-t-elle besoin de préciser - comme pour rassurer - que les soldats ne seront pas au contact des manifestants, puisque dans le même temps elle assure que dans tous les cas de figure les soldats n'ouvriront pas le feu ? On se demande comment la ministre SAIT, avec cette certitude, que soldats et manifestants ne pourront se trouver aux mêmes endroits.
QUATRIÈME INTERROGATION : le général Bruno Leray, gouverneur militaire de Paris, a déclaré sur France Info vendredi 22.03 qu'il n'est pas exclu que les forces Sentinelle soient amenées à tirer à balles réelles si la situation devient critique. Les militaires pourront (selon lui) "aller jusqu'à l'ouverture du feu si leur vie est menacée ou celle des personnes qu'ils défendent". Pourquoi en est-on à ce point de confusion et d'amateurisme tel qu'un gouverneur militaire de Paris fasse, le même jour, une déclaration totalement opposée à celle du ministre des Armées ? L’État confié à Monsieur Macron est-il toujours sous contrôle ?
ENFIN, ULTIME QUESTION, et pas la moindre : si, comme les macronistes viennent de nous le marteler, la présence des forces militaires Sentinelle autour de sites sensibles n'est, ni plus ni moins que d'habitude, un dispositif purement anti-terroriste comme cela existe depuis quatre ans, pourquoi alors en avoir fait une annonce en début de semaine ? "Les militaires de Sentinelle seront mobilisés pour l’acte XIX des gilets jaunes", titrait Le Monde le mercredi 20 mars.
La bonne communication est parfois l'absence de communication : dans le cas présent cet adage s'imposait... mais ce président et ce gouvernement ne sont pas suffisamment professionnels pour en avoir connaissance.